Un film Norvégien dont la virtuosité survole le Festival de Toronto
Le Festival International de Film de Toronto est très glamour avec ses diffusions de films qui seront très probablement nominés aux Oscars et la présence d’acteurs mondialement connus; cependant, il s’agit aussi de l’endroit idéal pour découvrir de jeunes talents internationaux. Très intéressée par le cinéma scandinave, j’ai décidé d’aller voir **Hunting Flies ** pour m’occuper en attendant une première d’un film plus réputé le soir même. Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver face à un excellent film indépendant bien meilleur que l’autre film vu le même jour- voire même l’un des meilleurs films que j’ai vu au Festival. Le film raconte l’histoire de Ghani, un professeur dans une école primaire Macédonienne qui rassemble des jeunes élèves issus de trois villages rivaux politiquement. Sur le point de perdre son emploi et agacé par les disputes incessantes qui règnent entre les enfants des différents villages qui se détestent mutuellement sans même réfléchir aux discours de leurs parents qu’ils recrachent à tout va, Ghani décide de retenir les garçons après une classe afin de les entrainer dans une expérience sociale dont le but est de souligner leurs similarités. Cependant, à mesure que la soirée avance, Ghani, de plus en plus sous pression car convaincu que la réussite de son expérience pourrait lui garantir la préservation de son poste, commence à utiliser des méthodes discutables afin d’imposer son point de vue aux élèves.
Le propos du film est original et intéressant. Izer Aliu, le réalisateur, affirme vouloir explorer la formation d’une dictature. De ce fait, il ne contente pas d’un énième film sur les réconciliations sociales et politiques amorcées dans un groupe d’enfants d’innocents et renverse le courant du film à sa moitié. En soulignant que tout dogmatisme, même initialement basé sur de bonnes intentions- le rassemblement de communautés ennemies, la prise en compte de l’égalité de tous- peut être extrêmement dangereux. Ghani est très idéaliste et ne souhaite qu’établir la paix au sein de l’établissement- c’est pour cela qu’il souhaite également préserver son travail- néanmoins, il est tellement convaincu d’être dans le juste qu’il impose son opinion aux autres, et ce d’une manière plutôt brutale. Le film offre par conséquent deux messages très intéressants. Le premier, déjà vu ailleurs mais mis en scène d’une manière terriblement efficace dans **Hunting Flies** : tout homme est égal aux autres indépendamment de ses opinions, notamment politiques ; il y a tellement de similarités à explorer plutôt que de se concentrer sur ses différences. Le deuxième, plus original et audacieux et pourtant exposé avec une pertinence qui frise le génie : tout dogmatisme, même ceux suivants une idéologie basée sur de bonnes intentions, est dangereux.
Le casting, en grande partie amateur et pourtant excellent, contribue à transmettre ces messages efficacement et avec émotion. Les jeunes acteurs sont très doués et pleins de spontanéité et la caméra sublime leur intrépidité lorsqu’elle les filme un à un. Burhan Amiti dans le rôle du professeur livre une prestation pleine de subtilités et incarne à la perfection un personnage ambigu.
Malgré le tout petit budget du film (500 euros !!!), Aliu arrive à proposer des plans très intéressants. Le cadrage et la composition de l’image sont toujours très créatifs et innovants et offrent par conséquent au film une certaine poésie auquel son sujet très ancré dans le réel ne semblait pourtant pas susceptible à s’y prêter. La photographie quant à elle reste plutôt commune et peu intéressante en comparaison avec le reste du film, mais ce léger défaut ne réduit absolument pas la qualité de l’œuvre.
Le film d’Aliu est une réelle claque qui mérite beaucoup d’attention de la part des festivaliers et des spectateurs. On espère que le film trouvera des distributeurs en Amérique- même si sa sobriété et son sujet ne sont peut être pas assez « vendeurs » pour ce territoire bien malheureusement- car il a beaucoup à offrir aux populations nord-américaines. On ne sort pas inchangé de la projection de ce film qui fait beaucoup réfléchir et émeut en même temps, et c’est avec excitation qu’on attend le prochain film d’Aliu.
Hunting Flies:
Réalisé par Izer Aliu
Avec Burhan Amiti