Début mai, les jours se font plus longs, la température plus douce, le soleil plus présent : nous voici en plein printemps. Le printemps c’est la saison du renouveau et de l’espoir ; les jours sombres sont derrière nous et on espère pouvoir recommencer sur un nouveau pied, laisser nos erreurs derrière nous et se tracer un nouveau chemin. C’est donc l’occasion parfaite de nous livrer à un petit top 5 (subjectif) des films qui approchent le thème du renouveau et de la rédemption, que les personnages rencontrent le succès ou non dans cette entreprise.
5) Vivre sa Vie – Jean Luc Godard, 1962.
Le film raconte l’histoire de Nana (Anna Karina), une jeune femme qui décide de quitter son mari et son fils pour se consacrer à son rêve et devenir actrice. Malheureusement pour elle, son désir de renouveau ne se concrétise pas réellement comme elle le souhaiterait, et elle est contrainte de travailler comme vendeuse. Insatisfaite de cette vie qui l’ennuie, et en manque d’argent, Nana se décide de rejoindre le milieu de la prostitution. Le film est divisé en douze courts épisodes qui dépeignent différents moments de la vie de Nana.
Malgré son sujet peu joyeux, le film est plongé dans une ambiance plutôt enjouée, à l’image de son personnage principal. Si Godard s’inspire ici beaucoup de l’esthétisme du cinéma vérité en adoptant une approche quasi documentaire pour raconter l’histoire de Nana, plus que les désagréments de la vie de prostituée, le film semble explorer les questions existentialistes que son personnage se pose. Le contraste entre l’approche cinématographique plutôt brute et ancrée dans la réalité et le sujet spirituel du film est très plaisant. L’œuvre ne tombe cependant jamais dans le solennel et n’affirme jamais rien de manière catégorique; de fait, le spectateur peut se laisser porter, et, fait plutôt rare, réfléchir sans pourtant s’enfoncer dans la gravité des tréfonds de l’âme humaine.
Tout dans le film tend vers la grâce, qu’il s’agisse des mouvements de caméra et des prises de vue, centrés sur le personnage hypnotique qu’est Nana, ou du jeu captivant de Karina. Toute en grâce et volupté, l’actrice est un véritable aimant pour la caméra comme pour les spectateurs. Son accent charmant, son regard magnétique, ses pas de danse enjoués, sa gestuelle empruntée sont autant d’éléments qui contribuent à rendre Nana envoûtante.
Bien qu’approchant un sujet cru d’une manière très réaliste proche du documentaire, Vivre sa Vie offre au final un moment enchantant et poétique, propice à une réflexion profonde mais plaisante.
4) The Dark Knight Rises - Christopher Nolan, 2012.
Le renouveau est un thème assez récurrent dans les films de super-héro puisque même les plus grands héros doivent à un moment ou à un autre faire face à une profonde remise en question et combattre leurs démons personnels pour mieux incarner la justice lorsqu’ils renaissent de leurs cendres. L’un des meilleurs films de ce genre est probablement The Dark Knight Rises.
L’histoire se déroule huit ans après les évènements de The Dark Knight, événements après lesquels, pour rappel, Batman avait décidé d’arrêter son service. En effet, afin de préserver le statut de héro de Harvey Dent le Chevalier Blanc de Gotham, Batman avait accepté de se sacrifier en endossant la responsabilité des crimes de Dent ainsi que celle de sa mort. Si cela avait au début eu l’effet de baisser la criminalité à Gotham grâce au maintien de l’unité anti-crime de Dent, l’arrivée de Bane, un terroriste anarchiste masqué, oblige Bruce à sortir de son exil imposé. Cependant, le héro se rend compte qu’il doit trouver des ressources profondément enfouies en lui et accepter de changer qui il est avant de pouvoir changer le destin de la ville qu’il protège.
Pointons d’entrée de jeu l’éléphant dans la salle : le film est loin d’être aussi bon que son prédécesseur The Dark Knight (2008). Néanmoins, il se défend très très très bien ! L’ambiance du film est encore plus sombre que celle des précédents épisodes et de ce fait reflète à la perfection la psyché instable de Bruce Wayne. La photographie et la composition de l’image servent à merveille le propos du film, reflétant tant la dépression de Batman que le chaos qui tombe sur la ville.
La bande-son monumentale n’est pas en reste et contribue à l’aspect épique du film. Hans Zimmer parvient à créer des sons semblant sortir des tréfonds de la terre, à l’image de l’antagoniste de Batman, Bane. Et malgré la maestria de ses mélodies, il parvient à faire en sorte qu’elles ne fassent qu’accompagner l’action, sans jamais devenir omniprésente comme c’est parfois le cas dans les films d’action.
L’action parlons-en justement. Une fois encore, The Dark Knight Rises fait très fort. Les scènes de combat sont très bien chorégraphiées et en juste nombre, il n’y en a pas trop ni pas assez. Le duel Bane/Batman est impressionnant et, de par sa violence brute, sort des archétypes du genre.
Mais ce qui fait la force du film, c’est définitivement son scénario, excellent, comme d’habitude avec Nolan, et desservi par un casting de rêve. Malgré ses 2h40, le film tient en haleine et offre des rebondissements surprenants. Il fait également réfléchir sur des questions tant politiques que personnelles. Mais surtout, il présente les faiblesses profondes d’un super-héro somme toute très humain, et il s’agit de l’un des premiers films du genre à sonder les contradictions d’un super-héro. Batman n’est plus une entité surpuissante, mais un héro qui doit combattre ses démons intérieurs avant de combattre ceux qui s’abattent sur la ville.
Au final, le film est non seulement très divertissant de par la qualité de ses scènes d’action, mais aussi un bel objet à la photographie et à la bande-son pleines de noirceur, qui dépeint un monde où pourtant rien n’est totalement noir ou blanc.
3) Trance- Danny Boyle, 2013.
Trance raconte l’histoire de Simon Newman (James McAvoy), un jeune commissaire priseur, qui, alors qu’il présente lors d’une mise en aux enchères un tableau peint par Goya, « Le Vol des Sorcières » se retrouve face à une bande de braqueurs venus dérober le tableau. Simon applique la procédure qu’il a répétée maintes fois auparavant afin de sauver le tableau des griffes des voleurs, mais alors qu’il tente de résister au chef de la bande, il est frappé à la tête et laissé inconscient. Lorsqu’il sort de l’hôpital, Simon est partiellement amnésique et ne se rappelle pas de ce qu’il est advenu du tableau, disparu lors du braquage. Les choses se compliquent lorsque Franck (Vincent Cassel), l’organisateur du vol, vient le menacer afin que Simon ne l’aide à retrouver le tableau. Afin de convoquer ses souvenirs et découvrir ce qu’il a fait du Goya, Simon va consulter une hypno-thérapeute, Elizabeth Lamb (Rosario Dawson).
Il s’agit là d’un renouveau des plus total puisque Simon doit complètement reconstruire sa mémoire non seulement pour retrouver le tableau, mais également pour se retrouver lui-même. De fait, le spectateur fait face à un thriller haletant aux enjeux passionnants. Les prises de vue très courtes et le montage précis et dynamique amplifient le sentiment d’urgence auquel Simon doit faire face et par conséquent immerge le spectateur directement dans l’action. La très bonne prestation de James McAvoy contribue également à l’identification de l’audience avec le personnage de Simon.
L’exploration du thème de l’hypnose est également très intéressante. Le sujet a rarement été aussi bien approché au cinéma et est prétexte à de belles scènes oniriques. La structure du film, divisée entre scènes du réel et scènes d’hypnose, compose une énigme que les spectateurs vont tenter de résoudre en s’aidant des indices semés dans l’exploration de l’inconscient de Simon. Le scénario est donc très solide et en prime, offre un final surprenant.
Malgré sa qualité de thriller, le film reste très gai et chaleureux en terme de photographie et de couleur, et offre donc une vision assez inédite du genre, plutôt agréable à regarder. La bande-son, très plaisante à l’oreille, contribue à rendre le film aéré malgré son sujet, tout en soutenant le rythme vif et dynamique.
Trance est donc un thriller original, très plaisant à regarder. S’il n’est pas inoubliable, le film offre tout de même au spectateur un joli jeu de piste servi par des acteurs excellents et une mise en scène dynamique et très plaisante à l’œil.
2) Raging Bull- Martin Scorsese, 1980.
Tout comme les films de super-héros, les films de sport, et en particulier, de boxe, approchent eux aussi très régulièrement le thème du renouveau et de la rédemption.
Raging Bull est un des meilleurs films de boxe de l’histoire, et il approche notre thème d’une manière magistrale. Le film raconte l’histoire vraie de Jake LaMotta (Robert De Niro), un boxeur américain d’origine italienne. Issu d’un milieu modeste, Jake parvient à se hisser au sommet grâce à des combats phénoménaux qui le mèneront au titre de champion du monde poids moyen. Mais l’ambition et l’arrogance de Jake vont lui faire accumuler les échecs dans sa vie personnelle. Jake va devoir accepter sa déchéance pour essayer de renaître de ses cendres.
Beaucoup de films de boxe ont ce thème et cette structure du en commun, seulement Raging Bull se distingue vraiment des autres de par sa charge émotionnelle. Le film n’enchaîne pas des scènes convenues ; au contraire, il semble monter en puissance à mesure que le personnage évolue dans la sphère de la boxe.
Les scènes de combat sont magistrales et impressionnantes à regarder, mais aussi très codifiées d’un point de vue cinématographique et offrent donc des métaphores très intéressantes à explorer. Scorsese sonde notamment les thèmes de péché et de rédemption et fournit ainsi une dimension christique à Jake.
La prestation grandiose de De Niro est elle aussi remarquable. Le rôle lui a d’ailleurs valu un oscar du meilleur acteur en 1980. L’acteur est ici au sommet de sa carrière. Il a, pour le rôle, changé maintes fois de morphologie, et est complètement méconnaissable à la fin du film. Que ce soit lors des scènes de combat, celles de drame familial ou celle où LaMotta sombre dans un malheur empli de pathétisme, De Niro est époustouflant et sa prestation émouvante est mise en emphase par la bande son homérique du film.
S’il n’y a qu’un seul film de boxe à regarder, c’est bien Raging Bull, un-si ce n’est LE- chef d’œuvre du genre, un film à la fois émouvant et impressionnant, épique et humble.
1) American History X- Tony Kaye, 1998.
Comment parler de films sur le renouveau sans mentionner American History X ? Près de 20 ans après sa sortie, le film choc de Tony Kaye est plus que jamais d’actualité.
L’histoire est celle de la famille Vinyard, établie à Venice Beach. Le fils aîné, Derek, rejoint un mouvement skinhead néonazi à la suite de la mort de son père pompier, tué par un dealer noir alors qu’il tentait d’éteindre un incendie dans un ghetto de Los Angeles. Le plus jeune, Daniel, admire beaucoup son frère et semble marcher dans ses pas. Un soir, Derek tue deux noirs qui tentaient de voler la voiture de leur défunt père. Il est donc condamné à trois ans d’incarcération. Lorsqu’il est finalement libéré, c’est un homme nouveau à l’idéologie complètement changée. Derek va dès lors tenter d’empêcher son jeune frère de sombrer dans la haine et la violence que lui même a connu auparavant.
American History X est un film choc, de ceux qui restent marqués dans vos mémoires pour longtemps. Cela est dû à son histoire bien sûr, qui fait beaucoup réfléchir sur la source de la haine, sur les conséquences de la peur, sur les causes du changement et sur la signification de la différence.
C’est aussi dû à sa violence, très pesante sur le film, bien que très esthétisée. En effet, la plupart des scènes de violence ont lieu dans le passé; un passé que le chef opérateur a décidé de représenter dans un noir et blanc très artistique. Le film offre donc une réflexion subtile sur la relation que le mal incarné entretient depuis toujours avec la beauté.
Le jeu des acteurs est quant à lui fantastique ; le film ne serait sans doute pas ce qu’il est sans la performance très habitée de Edward Norton, qui fait face ici à un des meilleurs rôles de sa carrière. Edward Furlong est lui aussi très convaincant, et son visage poupin à la beauté empreinte de désespoir renforce le lyrisme de la photographie. L’alchimie entre les deux acteurs fonctionne très bien et permet au film de devenir très émouvant en son dernier segment.
En effet, le film ne fait pas seulement réfléchir d’une manière rationnelle aux différents thèmes qu’il aborde, il fait aussi appel aux sentiments des spectateurs et attend d’eux une réaction émotionnelle. Et pourtant, malgré ceci, il évite l’écueil d’être manipulateur ou moralisateur, puisqu’il offre une succession tellement logique des évènements que le spectateur ne peut que déplorer les conséquences désastreuses et pourtant attendues de la haine et de la peur de l’autre.
En somme, American History X est un film à la fois beau, intelligent et émouvant qui en dit beaucoup sur l’époque dans laquelle nous vivons. C’est parce qu’il est difficile à regarder qu’il est nécessaire de le voir.